Spécialisé dans la photographie culinaire, Victor Bellot travaille sur la psychologie de l’alimentation et la perception inconsciente afin de prolonger l’expérience client et de donner l’image la plus juste de son sujet. En France ou à l’étranger, il a su mettre en lumière de nombreux chefs, restaurants ou grands groupes tels que Alain Ducasse, Thierry Marx, Joël Robuchon, Ruinart, l’Hôtel de Crillon, la Samaritaine… Nous avons eu la chance d’échanger avec lui, et de dresser le portrait de ce photographe minutieux, passionné par l’artisanat, gourmand intellectuellement et dans l’assiette.
Quand et comment avez-vous débuté dans la photographie ?
La photographie m’a toujours passionné, c’est durant ma Licence d’architecture que j’ai lancé mon activité de photographe, en parallèle de mes études. Les années de Master m’ont donné la possibilité de construire les fondations de mon entreprise actuelle. Une fois diplômé, la transition s’est faite naturellement car j’avais déjà des clients fidèles et un portfolio intéressant.
Etant gourmand, j’avais pensé travailler dans la restauration ou la chocolaterie, mais j’ai compris que la photographie culinaire me correspondait mieux car elle me permettait de côtoyer différents univers tout en associant mes deux passions.
Vous photographiez autant le statique que le mouvement. Quelles sont les différences entre les deux ? Quelles techniques chacune requiert ?
Dans la photographie culinaire, on travaille sur des temps courts, on y passe quelques minutes par plat maximum. Après cela, les sauces s’étendent, les espumas retombent, les pièces rôties s’assèchent et les fritures perdent leur brillance. Il faut donc saisir la création du chef à son arrivée, lorsqu’elle est parfaite et si besoin l’on peut capter un geste de service comme un versé de sauce. Dans ces cas-là, il faut pouvoir changer très vite d’angle et de cadrage, c’est pour cela que je travaille presque exclusivement à main levée.
Mon style photographique est minimaliste, le sujet est toujours au cœur de la photo avec le moins d’artifices et d’accessoires possible. Dans les restaurants, j’essaie de jouer un maximum avec les matières et les éléments présents pour créer des photographies graphiques avec de belles lignes qui nous plongent dans l’univers du lieu.
En matière de portrait et de reportage, j’aborde ma pratique avec la même envie de pureté tant en ce qui concerne la mise en scène que l’éclairage. Lorsque l’on est en cuisine, il faut arriver à capter cette énergie et cette chorégraphie sans les troubler. Ce qui est important pour immortaliser une scène, c’est de connaître son sujet, sans quoi il est impossible d’anticiper les actions ; on risquerait alors de louper l’essentiel : les moments de grâce, l’intelligence du geste, les regards bienveillants et autres instants de complicité.
Qu’importe si le sujet est statique ou en mouvement, ce qui prime à mon sens c’est d’aimer et comprendre le milieu dans lequel on travaille et ceux pour qui l’on travaille. J’ai choisi la photographie culinaire avec pour seul moteur mon intérêt pour la cuisine et mon respect pour l’artisanat. C’est l’intelligence de la main, la quête du bon/du beau et la créativité qui nous rassemblent, mes clients et moi.
Le but de la nature morte culinaire est de plonger le spectateur dans un moment ou une assiette en essayant de lui transmettre au mieux les émotions, les sensations jusqu’à presque réussir à lui faire sentir ou goûter le plat en jouant avec les variables de la psychologie de l’alimentation : le rapport fond/forme, les rapports de couleurs, les nuances d’éclairages. Pour réussir au mieux cela, il y a beaucoup de contraintes techniques. La lumière est primordiale, elle permet de sculpter, de mettre en avant les textures, les brillances ou les volumes. Son modelage est subtil : une fois les règles de l’optique maitrisées, il est possible d’utiliser cette boite à outils pour modifier en profondeur la qualité et l’atmosphère de l’éclairage.