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Magali Delporte

Magali Delporte, photographe de presse et portraitiste membre de l’agence Signatures depuis 2019, s’est livrée dans une interview sur son parcours et ses multiples projets photos, professionnels et plus personnels, notamment sur le dernier projet qu’elle a réalisé sur son quartier du 20e arrondissement de Paris lors du confinement, bientôt exposé et publié. Son travail très dense, empreint d'une énergie pétillante qui reflète son plaisir de la rencontre, respire l’agilité que requiert le timing de la photo de presse.


De quelle manière êtes-vous entrée dans l’univers de la photographie ?

 

Lors de mes études de journalisme suivies à Bruxelles, je cherchais le moyen d’expression avec lequel je serai à l’aise.

J’ai fait de la presse écrite en stage au journal Le Soir. Je participais à la radio étudiante, c’était magique d’arriver sur le campus à 6h du matin pour préparer les infos en entendant les oiseaux chanter et se retrouver avec toute l'équipe de rédaction.

Grâce à ce parcours, j’ai ensuite obtenu un stage à la BBC World Service Radio, l’équivalent de RFI.

A la fin de mes études en Belgique, J’ai eu une bourse du Consulat britannique pour faire une maîtrise en journalisme international au Tom Hopkinson Centre for Media History, au Pays de Galles. J’avais imaginé une formation très pratique, et elle s'est avérée trop académique. C’était un point un peu décevant pour moi mais cela m'a permis de rencontrer des journalistes du monde entier et de faire la connaissance de Daniel Meadows et Colin Jacobson en choisissant l'option histoire de la photographie. 

Colin et Daniel étaient les deux professeurs d'un postgraduate Diploma of Photojournalisme. 

Je suis restée un an de plus à Cardiff car j'avais enfin trouvé mon moyen d'expression: la photographie. Ces 2 hommes m'ont appris le storytelling dans la tradition de Eugene Smith et du magazine Life, ceci avec beaucoup d’exigence. Nous étions 11 élèves avec un accès 24/24 à la chambre noire. 

Ça a été une formation d’un an extraordinaire et l'année suivante je commençais ma carrière à Londres au journal The Independent à Londres puis au Times, là j'ai tout appris au fil des commandes que me donnaient les journaux. J'ai fait de l'actu, du portrait, de l'objet et même paparazzi à deux reprises! 




Quels sont le(s) photographe(s) qui ont pu être source d’inspiration pour vous ?

 

Daniel Meadows, mon professeur a été très inspirant. Il est un des précurseurs du  « digital storytelling » qui donne aux gens la possibilité de raconter leur histoire avec leurs archives photographiques personnelles dans le cadre de workshop. Daniel à toujours impliqué ses sujets dans son travail que ce soit avec Capture Wales ou avec ses images du Free Photographic Omnibus des années 70 pour lesquelles il faisait déjà des prises de son de l'environnement et des interviews. C'est la personne la plus enthousiaste, intelligente et passionnée que j'ai été amenée à rencontrer dans ma vie. Son archive est depuis 2019 à la Bodleian Library à Oxford avec celle de Fox Talbot! 


Les femmes sont peu représentées dans la photographie de presse. Quel est votre ressenti à ce sujet ?

Ressentez-vous un changement et plus de parité ces dernières années ?

 

J’ai parfois l’impression en tant que femme de devoir faire mes preuves plus qu’un homme pour pouvoir me faire une place dans la presse française. 

J’ai d’ailleurs réalisé une série d’autoportraits, « M est photographe » qui questionne en partie sur le sujet.

Les portraits dans la presse sont principalement réalisés par des hommes, même si les iconographes sont plus souvent des femmes. 

Selon moi, nous sommes toutes aussi aptes à exercer ce métier. Le poids du matériel n'est pas un problème et c'est ma personnalité non pas mon sexe qui entre en jeu dans une prise de vue. Nous ne sommes cependant pas totalement débarrassés des stéréotypes sur la féminité et il est primordial que nos journaux tendent vers la parité dans la représentation de notre société, notamment avec les portraits des personnalités.

Ca commence heureusement a être le cas aujourd’hui. Pour ma part j'ai eu de la chance de débuter ma carrière à Londres. Les journaux britanniques me font confiance et je photographie grâce à eux des personnalités du monde politique économique et culturel. Cela est indispensable pour avoir de la visibilité!


 

Quel(s) boitier(s) utilisez-vous pour la prise de vue ? Quel matériel d’éclairage ?

 

J’ai longtemps utilisé des reflex 24x36. 

En 2001 j’ai été Lauréate du Prix Canon de la femme photo-journaliste, exposé à Visa pour l’image, à Londres et Paris.

En 2018, à la fermeture de la coopérative de photographes Picturetank, j’ai voulu changer de format et me donner un nouveau défi.

Je suis passé chez Fuji et je suis devenue Ambassadrice de la marque pour le GFX 50S avant de rentrer dans l’agence Signatures.

Je viens d’ailleurs tout juste d'acheter le nouveau boîtier GFX 100S. J’utilise aussi le modèle XT2 de la marque.

Pour l’éclairage, j’utilise des flashs de studio sur batteries ou des leds.

 

Vous avez de multiples projets transversaux en photographie, que ce soit professionnel ou plus personnel. 

La photographie semble s’intégrer dans votre quotidien comme un véritable art de vivre. 

Cela doit nécessiter au quotidien une certaine forme d’agilité et de capacité d’improvisation ?

 

C’est totalement un mode de vie mais je pensais que ça ne l’était pas car je ne sors pas tous les jours avec un appareil photo autour du coup. 

Certaines personnes saisissent tout, c’est aussi ça être photographe mais je me rends compte qu’en ce qui me concerne, plutôt qu’une pratique un peu frénétique, ça me suit tout au long de ma vie et de mon évolution, de manière construite.

J’avais photographié 90 femmes enceintes en Angleterre par curiosité et pour le plaisir de la rencontre. Quand je suis tombée enceinte moi-même, un mois avant d’accoucher, je me suis décidée à faire chaque jour un autoportrait. Sur chaque photo j’indiquais une date, je voulais qu’il y ait une chronologie. J’avais énormément d’énergie, j’ai mis à contribution des amis pour me prendre en photo dans des mises en scène que j’avais envisagées, comme par exemple pour la photo dans le métro, j’avais rêvé que je dormais dans le métro alors j’ai demandé à un ami de me prendre en photo en pyjama dans le métro. Les idées venaient au jour le jour. 

Je m’amuse aussi beaucoup dans ma pratique photographique et quand on s’amuse dans ce qu’on fait c’est souvent communicatif. J’ai ainsi réalisé une série avec des amis dans un vieux château un peu décrépi où nous avions été invités, on s’est beaucoup amusé à faire ça. J’avais mis mon Fuji en révision mais j’avais quand même pris le XT2 avec moi au cas où. Le décor du château m’inspirait tellement que j’ai proposé aux gens de leur faire à tous un portrait et je me suis retrouvée à faire des photos alors que je sortais de 3 mois de confinement où j’avais travaillé tous les jours !

Je fais également une carte de voeux une fois par an où je me mets en scène avec ma famille. C’est ma façon de travailler avec elle.

La photographie épouse les différents moments de ma vie.



 

Quels sont les futurs projets que vous envisagez ?

 


Dès le début de la pandémie et aux premières annonces gouvernementales, j’ai commencé à saisir ce qui se passait dans ma résidence du 20e arrondissement.

Je sentais bien que nous allions vivre un moment très particulier et j’avais envie de laisser une trace de cette période en prenant ancrage dans mon quartier, à travers mon voisinage. Il y a des photos plutôt documentaires, des portraits de mon voisinage, des autoportraits mis en scène chez mes voisins partis en province pour cette période, des mises en lumière de mes voisins à travers les différentes activités de quartier qui ont été organisées : sport, musique, activités diverses…

Une expo photo a débuté le 25 juin « Il était une fois un confinement » rue des Maronites, rue du Pressoir, rue Julien Lacroix et rue des Couronnes qui présentera mes travaux et ceux de 3 autres photographes : Pierre Durand, Vincent Fillon et Romain Jouin.

Je suis extrêmement fière de ce que nous avons réussi à faire avec un budget absolument ridicule ( moins de 1000 euros) pour 100 mètres  de tirages répartis sur quatre rues. Nous ne sommes pas au Luxembourg mais ça vaut le détour !

Les gens du quartier s’arrêtent en rentrant chez eux, ce sont des personnes qui ne mettront peut être jamais les pieds dans une galerie ou un musée. Nous allons faire des visites avec les scolaires. Chacun peut regarder avec sa propre connaissance des codes de la photographie et recevoir des explications d'un des quatre photographes car nous sommes tous voisins.

Je ne m’étais pas rendue compte du travail que cette expo représenterait. Heureusement, sinon je ne me serai pas lancée dans l’aventure. De la même façon, je ne me suis pas rendue compte de l’intérêt qu’elle susciterait localement.

C’est une très belle aventure photographique, à l’image de ce que nous savons faire au Pressoir, à Belleville.

Mon écriture et mon approche sont définitivement humanistes et accessibles, c’est ma façon d’exister en tant que photographe. L’exposition sur grilles du Pressoir est un cadeau comme j’en ai fait tout au long de ma carrière en parallèle des commandes qui me font gagner ma vie. Tous les ans je me retrouve à proposer des projets à la crèche, la maternelle, l'école, les voisins. A faire plaisir et mettre en valeur les gens très simplement. 

L'expo sur les grilles me rappelle que notre capacité d'action est grande et belle quand on y met notre énergie.

Un livre de ces photos sera prochainement édité aux éditions Intervalle.




 

Auriez-vous une anecdote à partager avec nous sur l’une de vos prises de vue ?

 

Une journaliste du Financial Times me propose un jour de venir avec elle pour l’interview de Bernard Arnault, elle n’avait qu’un quart d’heure pour la réaliser et n’avait pas prévu de photo, mais elle me dit qu’on devrait essayer.

Je suis arrivée avec mon appareil photo dans le sac à main et deux leds dans un sac. 

Chez LVMH, il faut monter successivement dans les étages de manière assez « protocolaire » jusqu’au dernier étage.

Une fois arrivées au sommet, l’attaché de presse de Bernard Arnault vient nous chercher, la journaliste me présente et on nous répond que la prise de vues n’était pas prévue, mais la journaliste ne se dégonfle pas et répond qu’on n’a pas besoin de prévenir, qu’elle vient toujours avec un photographe…

Je demande donc à l’attaché de presse s’il est possible de rencontrer Bernard Arnault et de lui demander s’il est d’accord ou non pour que je prenne une photo.

La rencontre se passe et il me dit oui. Pendant l’interview je fais mon repérage avec la réceptionniste et je trouve trois environnements adéquats. Je venais tout juste d’acheter mon GFX 50, en janvier 2018. Le lendemain même les photos étaient sur le web, et diffusées dans le Financial Times.

Quelques jours après, Bernard Arnault est passé 4e fortune mondiale, il avait besoin d’une photo pour le magazine Forbes et je lui ai fait une cession de droits en bonne et due forme.

Ça m’a permis de rembourser une partie de mon GFX50S! Le moyen format était un peu une folie pour une photographe de presse, finalement vite amortie en partie grâce à cette cession de droits.



Photos © Magali Delporte


Liens :

Site Magali Delporte

Interview Fuji en résidence dans ma résidence

Film Fuji be creative

Site Daniel Meadows

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