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Matthieu Mitschké

© Tous droits réservés Matthieu Mitschké



Quel a été votre parcours pour devenir photographe industriel ? Est-ce un secteur de la photographie que vous avez investi dès le démarrage de votre activité ? 


Etre le fils d’un graphiste illustrateur qui a été formé chez Paul Colin, et le filleul de Philippe Noiret, ça met forcément dans des dispositions particulières…

Après avoir postulé sans succès à l’école des Gobelins, J’ai suivi en 1993 à Levallois Perret, une formation pilotée par Alain Balmayer, un grand Monsieur du noir et blanc, où j’ai appris le b.a.-ba de la pratique photographique ; c’est surtout mon premier stage chez Franck Brunel qui m’a presque tout appris : entre autre, déclencher des flashs au papier alu d’un paquet de gitanes et couvrir de chaussettes les gyrophares des Fenwick, servir le whisky, charger Les 4’x5’ dans une armoire, éviter les balles perdues des autonomistes corses à Corté…bref, j’ai tout fait avec lui et des clients comme Plastic Omnium, Knauf, Bayer, l’Institut Pasteur ou Peugeot Cycles qui ne rechignaient pas à solliciter ses talents et son exubérance. 

Quatre années folles, il est vrai aussi qu’un assistant avait un rôle important dans la production et qu’à chaque occasion, je le lui rendais bien.

Ce père spirituel m’a même viré du jour au lendemain en m’envoyant chez le bien moins tempétueux Antoine Gonin que j’ai longuement accompagné pour l’élaboration des images de son livre « Eloge de l’Avenir » (R.Delpire) sur les savoir-faire de l’industrie française. Avec lui j’ai aussi fait des choses hallucinantes, comme fréquenter le gigantisme de la soufflerie de l’ONERA à Modane, ramper dans l’accélérateur de particules Tore Supra à Cadarache ! Il fallait chez Dassault Aviation, au CEA, au CNES ou chez Airbus, éviter de lever le coude….

En parallèle je faisais mes armes dans la prise de vue immobilière pour la CRPNPAC, entre des repros récurrentes pour le CNRS et diverses interventions pour des petites agences. Avant d’emménager dans les Pays de Loire en 2010, j’ai complété ma connaissance de la chaîne graphique dans la reprographie et l’imprimerie.

Même si la photo généraliste payait bien à cette époque, c’est vers la spécificité des ateliers rugueux et bruyants de l’industrie et le plaisir des rencontres de ses femmes et hommes passionnés que je m’orientais déjà.


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Qu’est-ce qui fait la particularité de ce domaine de la photographie ? Quelles sont à vos yeux les compétences clés nécessaires pour intervenir comme photographe dans cet environnement ?


La photographie en milieu industriel sous-tend une bonne connaissance de l’activité économique, du secteur de l’entreprise pour laquelle on travaille. On quitte le confort feutré du studio pour s’adapter aux contraintes d’environnements hostiles : place disponible et recul nécessaire pour shooter, dangerosité, bruit et surtout on s’adapte au flux de la production. On essaie aussi de viser correctement avec la visière d’un casque !

Il est aussi nécessaire de se mettre à la place de l’opérateur, en ne monopolisant pas son temps et échanger avec lui sur ses gestes, comprendre sa machine. La préparation d’une prise de vue est primordiale.


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Avec quel matériel travaillez-vous régulièrement ? (Boîtier, éclairage, accessoires) Avez-vous recours à la location ?


La question du matériel utilisé m’étonne toujours, quand on sait que la magie d’une image ne tient qu’à deux choses : une vitesse et une ouverture de diaph, rien de plus. On n’a jamais demandé à Picasso quelle marque de pinceaux il utilisait !

Fidèle à Nikon depuis mon F3HP acquis en 86 j’utilise toujours mon « vieux » D750 en 24x36, qui est parfait pour mes besoins; 24 mpx suffisent finalement pour beaucoup de travaux.

Je ne suis pas dans la surenchère, ni féru de technologie, mais il est vrai qu’aujourd’hui, avec le numérique et l’exigence des capteurs modernes, je suis un peu obligé de m’y pencher et je réfléchis à deux fois, surtout concernant les optiques. 

Aujourd’hui, c’est essentiellement au GFX50S avec les 23, 45 et un 120 mm que je mets en lumière, au propre comme au figuré mes sujets, surtout depuis que j’ai découvert le rendu si qualitatif de la subligraphie. Pour la lumière, le système flash Elinchrom au rapport qualité prix imbattable, me convient. Pour l’image du camion pour Ageneau Transport par exemple, quel plaisir de faire cohabiter plusieurs générations de flashs : un Ranger RX, un ELB400, un 500 et un 1200, un Bxri. Sinon, un peu d’aluminium, un leatherman et la trilogie gaffer, clamp et bras magique ! 

Je ne shoote presque jamais en connecté, mais quand c’est le cas, un cable tether tools fourni par vos soins, et le tour est joué.

Je n’ai aucun a priori sur les logiciels de traitement, les nouveaux venus compensent aisément la lourdeur du code de la suite Adobe. La post production elle, est réalisée sur écrans Eizo.


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On remarque un éclairage très élaboré sur l’ensemble des photos que vous mettez en scène, même en reportage, comment travaillez-vous ?


Pour la mise en lumière de mes images en entreprise, je systématise un repérage, histoire de voir mon terrain de jeu et de comprendre les besoins du client et les contraintes spécifiques de chaque production.

J’en profite pour imaginer et visualiser des placements de lumières et échanger avec mon modèle pour rester vrai et ne pas déformer ses gestes techniques. Si je peux en plus générer des vocations, mon contrat est rempli.

Apporter l’équivalent d’un studio en atelier nécessite de s’y adapter et je demande souvent l’aide du plus « petit » dans l’atelier, pour déplacer ce qui doit l’être, ranger, me dégoter la rallonge que j’ai oubliée par exemple. Le repérage me permet de retrouver mon modèle le jour J, les présentations étant déjà faites, les problèmes techniques envisagés presque éludés, on travaille directement sans perte de temps, chacun sait ce qu’il a à faire. 

 L’excellence de l’industrie est belle, il faut la montrer au mieux et valoriser ceux qui tous les jours créent, conçoivent et fabriquent.

Il redevient nécessaire, au vu des difficultés des chefs d’entreprise à recruter - même dans ma région où le taux de chômage est le plus bas de France – de montrer ces beaux métiers. 

De même, faire comprendre qu’un photographe professionnel exerce un vrai métier, qu’il a, outre, des connaissances techniques et la maitrise des outils, des aptitudes liées à son expérience, son savoir-faire et une connaissance de l’Image. Quand on voit certaines images sur des sites, réalisées au smartphone, comme tout le monde est photographe aujourd’hui, il y a de quoi ne plus rien comprendre.

Je mets autant de cœur à travailler la lumière sur les hommes et les machines que si je photographiais une bouteille de parfum iconique ! Chaque image est unique, on ne la refait pas.


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Comment vous tenez-vous informés des dernières évolutions technologiques dans le secteur de l’image ?


Quand on a trouvé la bonne monture on n’en change pas !!! même si je regarde l’évolution des boitiers hybrides plein format je reste prudent car remplacer tout son parc optique ne se fait pas du jour au lendemain, ni sans besoins précis. J’aimerais souvent retrouver le plaisir de manipuler les corps d’une chambre de studio et celui de charger les magasins d’un Blad ou d’un Mamiya RZ, le système modulaire du GFX le permet en partie avec quelques contraintes. 

Le numérique rend aussi le rapport au matériel très « froid » un peu comme une comparaison entre le CD et le Vinyle. La photographie est devenue une activité et plus vraiment le métier d’un artisan et les bagues de diaph, les molettes bien crantées des sélecteurs de vitesse ont presque tous disparus, les menus s’allongent indéfiniment. On en revient à regretter ce bon PN55 de Polaroid !

Le Geek s’y retrouve mais sait-il faire une lumière…

Si la nouveauté nous permet de conforter l’excellence de notre pratique, je continue à penser que le prolongement de mon oeil doit m’accompagner le plus longtemps possible. Gagner en sécurité avec du matériel éprouvé au quotidien.

Il va surtout falloir que je me décide à venir profiter des apérotech de Digital&Cie!


Quels sont vos projets en cours et à venir ? Est-ce que cette période de crise sanitaire vous a amené à penser différemment votre activité ?


Avec la période difficile liée au Covid, on a été comme les artistes du spectacle, plus lent à redémarrer. 

J’ai même trouvé le retour en atelier particulièrement éprouvant comme le sportif qui reprend l’entrainement après une longue période, je m’étais entretemps brisé trois métatarses au pied droit, donc quel plaisir quand j’ai pu déclencher à nouveau. Mais le plus difficile est de reprendre son bâton de pèlerin pour convaincre de valoriser à nouveau la seule réelle richesse des entreprises : Les Hommes.

Passé la cinquantaine je m’attache aujourd’hui à me faire plaisir au travers d’un livre d’Art valorisant l’excellence des entreprises de mon territoire. Le projet est bien perçu par les entreprises qui y voient leur intérêt : continuer à faire parler d’elles, et (re)mettre une image de qualité sur des métiers aujourd’hui en tension. 

Une exposition en subligraphie viendra appuyer le projet et rendre visible par tous les savoir-faire invisibles derrières les logos au bord des routes que nous empruntons.

Rendez-vous d’ici un an si tout va bien ! 


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Lien vers le site de Matthieu Mitschké :

https://www.mitschke-photographe.com/


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